"Des équilibres" petite conférence

Des équilibres ou l'’équilibre dynamique

Notre équilibre dépend de notre capacité à nous adapter continuellement aux changements imposés par notre évolution. Alors comment redéfinir l’équilibre dans un monde qui impose aujourd’hui à notre corps et à notre esprit des déséquilibres de plus en plus importants ?
Et comment composer avec ce nouveau monde pour nous permettre de nous sentir plus en accord avec celui-ci ?

Je vais vous parler de la notion d’équilibre. Pourquoi, et bien parce que la façon dont je voyais l’équilibre était déformé par le prisme de mes croyances. Et que le fait de le percevoir d’une autre façon m’a permis de reconsidérer le monde que je vois, que je perçois sous un angle tout simplement différent, à la fois avec mon corps et avec mon esprit.

. . . Vous avez certainement tous entendu un jour cette petite phrase : « tout est une question d’équilibre ». Notre binôme corps/esprit est effectivement dans une recherche constante d’équilibre.
Et . . . lorsque notre monde était moins agité qu’il ne l’est aujourd’hui, cet équilibre se mettait en place, on pourrait dire « naturellement ». Mais au plus notre monde se construit sur la vitesse, sur la performance et la surenchère et au plus nos organismes sont en luttes et dépensent de l’énergie pour rétablir un état d’équilibre qui est de plus en plus difficile à tenir.

Nous essayons donc de nous replacer régulièrement dans un environnement qui va nous permettre de revenir à un état que l’on qualifiera « d’équilibre » afin que nous puissions tout simplement continuer à vivre.

Pat : Mais est ce que nous savons exactement ce qu’est l’équilibre ? Et avons-nous une idée précise de ce qu’est l’équilibre sur notre planète ?

Vinc : Et bien pas forcement, car définir l’équilibre implique une posture un peu contre intuitive, c’est-à-dire qu’il faut penser « contre notre cerveau », qui lui ne crois que ce qu’il voit. Par exemple pour notre cerveau la terre est plate, il faut faire un effort pour lui faire admettre qu’en fin de compte notre planète est bien ronde ! En ce qui concerne l’équilibre il nous faut donc revisiter cette notion à l’opposé de ce qui nous semble évident au premier regard, qui est que l’équilibre est une chose statique, immobile.

Pat : Mais alors qu’est-ce que l’équilibre ?

Et bien on peut diviser l’équilibre en deux grandes partie bien spécifique l’une de l’autre.

. La première partie c’est « l’équilibre statique ». C’est un équilibre qu’on peut aussi appeler « cérébral ». C’est cet équilibre qu’on associe souvent à la notion de stabilité ou d’immobilité.
On peut entendre dire : « l’équilibre, c’est lorsqu’on est sûr de ne pas tomber ». Notre cerveau a tendance en grande majorité à classer la notion d’équilibre dans la catégorie des choses stable, figées ou immobile, voir immuable.
La plupart du temps nous dirons que notre vie est à l’équilibre lorsque tout va bien, lorsque nous sentons que les choses sont faciles, proches de la perfection, lorsqu’il n’y a pas de vagues, ou encore que nous avons la sensation de vivre de façon harmonieuse. Nous dirons donc à l’inverse que nous avons une vie en « déséquilibre » lorsque tout va mal autour de nous, lorsque rien ne fonctionne ou lorsque nous sommes malades.
L’équilibre statique est un équilibre figé, qui ne génère que de l’inertie. Hors, l’équilibre statique n’est qu’un concept. Dans la vie, dans le cosmos, l’inertie, l’équilibre statique n’est qu’une illusion, cela n’existe tout simplement pas !

. La seconde partie c’est « l’équilibre dynamique ». C’est un équilibre qui s’appuie sur le mouvement et sur les variations entre les opposés. En effet, dans notre monde pour qu’il puisse y avoir « équilibre » il faut obligatoirement deux pôles opposés l’un à l’autre.

A l’échelle du cosmos la fixité apparente n’est aussi qu’une illusion. L’équilibre dynamique y est présent partout où il y a des échanges d’énergie.

Pat : Et à l’échelle de notre corps, de quelle façon est-ce que cet équilibre se manifeste ?

A l’échelle de notre propre corps, notre organisme fonctionne sur des systèmes d’équilibre dynamique très complexes qu’on appelle l’homéostasie. L’homéostasie est un processus de régulation qui permet la réparation de notre corps de façon autonome. Ce phénomène nous apprend que « tout système du vivant revient spontanément à un état d’équilibre en l’absence de perturbations ». Il s’agit en permanence pour notre corps de maintenir un état d’équilibre entre les apports en provenance de l’extérieur et les pertes en provenance de l’intérieur. Notre corps est en perpétuelle réajustement pour rétablir un équilibre indispensable au maintien de notre vie, rien n’est figé, rien n’est statique, tout au contraire est en mouvement, en mutation constante.
La respiration est un exemple simple qui permet d’illustrer le principe d’équilibre dynamique. Ce que j’inspire sous une forme, devrait ressort en quantité égale sous une autre forme.
Imaginons maintenant un vase rempli d’eau. Si nous voulons aussi y mettre des roses, nous devrons vider un peu d’eau du vase. Et au plus nous y mettrons des roses et au plus l’eau débordera. Nous devrons accepter de perdre de l’eau pour que notre vase se remplisse d’un magnifique bouquet. Cela nous semble tellement évident. Mais lorsqu’il s’agit de notre propre corps ou de notre propre vie les choses semblent nettement moins simple. En général nous voulons bien nous remplir, nous voulons le plus de roses possible dans le vase, mais nous avons beaucoup plus de mal à redonner, à nous vider pour pouvoir encore recevoir.
Pourquoi, et bien sans doute parce que nous sommes dans la croyance qu’une fois que nous nous serons vidé, nous ne pourrons plus nous remplir à nouveau, que les choses seront figées, que nous risquons de manquer, que nous risquons d’être seul, que nous risquons finalement la mort, car c’est ce sentiment de mort qui nous habite à ce moment là ...
Alors nous ne lâchons rien. Lorsque nous sommes au top dans notre vie, nous voudrions rester au top bien sûr. Alors on ferme les robinets, car on ne veut plus rien perdre, s’en se rendre compte qu’en agissant de la sorte on arrête le flux d’énergie, on perd le potentiel d’être conducteur de cette énergie, nous oublions le fait que nous sommes uniquement conducteur !
Cela donne quoi concrètement, et bien par exemple certaines personnes ont tendance à avoir du mal à l’expiration. Elles vont ressentir le besoin de se remplir le plus possible par peur de manquer d’oxygène. Donc elles entrent dans un processus d’hyperventilation qui va générer des désordres au niveau de l’assimilation de l’oxygène. Et ce faisant ces personnes envoient à leur cerveau une information de danger quasi permanent qui les maintient en état de stress.

Pat : Alors concrètement est-ce que tu peux nous dire ce que la conscience de cet équilibre dynamique peut nous apporter dans la vie de tous les jours ?

Et bien dans un premier temps déjà, rentrer simplement dans la conscience de cet équilibre dynamique. C’est pour moi juste un chemin parmi des dizaines de chemins bien sûr, qui permet de se reconnecter à cette dynamique de la vie, qui permet de se reconnecter au vivant. Lorsque je suis à Paris, j’adore prendre le métro et je me laisse facilement prendre au jeu de l’équilibre sans les mains lorsque la rame se déplace. C’est fascinant de voir à quel point notre corps est capable en un dixième de seconde de réajuster une posture pour se tenir à la vertical, posture qui est déjà un miracle lorsque nous sommes à l’arrêt. A ce petit jeu, le mental n’a absolument aucune prise. Et à ce moment-là on se sent totalement présent et vivant.

Un autre élément sur lequel la conscience de l’équilibre dynamique peut nous aider, qui est je pense le plus important, consiste à nous rendre compte qu’en fonction de là où nous regardons nous verrons le monde soit en déséquilibre total, soit en équilibre parfait. Cela permet de prendre du recul sur la façon dont nous percevons le monde et aussi de revisiter nos croyances.
Comme je vous l’ai déjà expliqué, nous sommes en effet en permanence dans un équilibre dynamique où règne un semblant d’équilibre statique interprété et influencés par notre ressenti dans l’instant.
Par exemple, notre planète semble posée dans l’espace, immobile, comme déposée là sur une étagère du cosmos, et nous ne percevons pas la vitesse de déplacement de la terre dans l’espace qui est pourtant considérable. Depuis nos sens limités, depuis notre vision du temps très étroite nous pensons percevoir une forme de constance et d’immobilité alors qu’il n’en est rien, c’est au contraire tout l’inverse.
En fonctions de là où nous mettons notre focus, en fonction peut-être de notre humeur, en fonction de la sensibilité de nos sens nous allons percevoir une situation figée, qui ne sera en fait qu’une illusion, qui ne sera qu’une petite partie de la partition qui se joue dans l’instant où je la regarde. Pour notre mental, nous serons par exemple figés dans le bonheur ou figé dans le malheur pour un temps indéterminé. Mais au plus j’apprends à reconnaître qu’au même instant il y a autant de l’un que de l’autre et au plus je me libère d’une pensée figée et mortifère, qui ne génère que de fausses images sur l’écran par l’intermédiaire duquel je vois le monde.

Cela m’apprend aussi à mettre de la conscience sur le fait que l’état que je ressens, qu’il soit agréable ou désagréable n’est qu’un état très provisoire.
Que je vive une situation difficile ou au contraire paradisiaque, cette situation est à la fois une illusion et en même temps elle est éphémère. Deux raisons pour lesquels j’essaie de ne pas m’y attacher.

Donc, nous devrions être capable d’accepter de perdre pour pouvoir gagner, on pourrait dire aussi pourquoi pas, de façon sans doute plus extrême, accepter d’être malade pour pouvoir être en santé, c’est aussi cela l’équilibre dynamique, ça n’est pas forcement quelque chose de confortable.
Et si on va plus loin encore, et en utilisant d’autres qualificatifs, on pourrait dire aussi accepter d’être incompétent, reconnaître cette incompétence comme faisant partie de moi, pour pouvoir être aussi excellent, accepter d’être inquiet pour pouvoir être confiant, accepter quelquefois d’être aussi en colère pour pouvoir être serein ...
Ici nous rentrons dans le monde des opposés régis lui aussi par l’équilibre dynamique. Nous ne sommes pas figés dans un personnage bon « OU » mauvais, nous sommes dans un mouvement dynamique entre le bon « ET » le mauvais. Être uniquement bon ou mauvais dans un monde régis par l’équilibre dynamique n’est en fait tout simplement pas possible. Si nous le vivons, ça n’est en fait qu’une pure illusion fabriquée par notre mental.

Par situation difficile je ne parle pas bien sûr ici d’une situation de mise en danger, c’est-à-dire une situation où il y aurait danger de mort. Dans ce cas, le mot d’ordre est d’échapper à la mort, il n’y a pas d’ambiguïté possible (si je vois une pierre me tomber dessus, cela n’est pas une illusion, je réagie et je fais un écart pour échapper à la mort) je parle d’une situation analysée par notre mentale comme étant difficile (par exemple, j’ai raté mon examen, ma vie est foutue ...). Au lieu de voir uniquement que ma vie est foutue, je peux essayer de voir qu’au même instant des opportunités dans ma vie vont se présenter à moi et que peut-être je vais me diriger vers quelque chose que je ne soupçonnais pas et qui va peut-être me passionner.

Et tout cela peut m’apporter finalement un grand soulagement. Parce que ça veut dire que je m’autorise aussi à être l’opposé de ce que l’on m’a toujours demandé d’être, c’est-à-dire par exemple « une bonne personne, un gentil garçon, ou une gentille petite fille » ou en tout cas, je m’autorise à l’être sans culpabilité ! Je deviens conscient que je suis au même instant « le bon ET le gentil garçon ». Chacun s’appuyant l’un sur l’autre pour pouvoir se maintenir en phase avec les lois de cet équilibre dynamique.

Dernier point, cette conscience, cette façon de voir les choses nous responsabilise. Cela nous permet de faire évoluer notre vision, notre rapport au monde. C’est notre choix que de continuer à croire que c’est la fatalité qui nous a placer soit du bon côté, soit de l’autre, le mauvais côté... Alors que nous sommes en même temps d’un côté et de l’autre. C’est donc de notre responsabilité d’être capable de voir que notre vie ne peut pas être soit un cauchemar, soit un conte de fées.

En résumé, nous dirons que nous avons tendance à associer la notion d’équilibre au positif et la notion de déséquilibre au négatif. Hors lorsqu’il y a sensation de déséquilibre, au lieu de voir uniquement le négatif nous pourrions mettre de la conscience sur le fait qu’il y a, non pas, un déséquilibre mais « des équilibres » (en deux mots) dans le sens où de multiples équilibres sont en jeu.

Si maintenant vous vous mettez pieds nus, debout sur un pied, avec cette sensation d’être en parfait équilibre, il suffit juste d’observer ou de sentir votre pied, vos orteils, la plante de votre pied pour vous apercevoir qu’il est en perpétuel réajustement de déséquilibre. Votre pied réalise des micros mouvements dans toutes les directions, devant, derrière, à gauche, à droite, pour éviter la chute. L’équilibre implique des réajustements permanents.

Pat : Alors comment peut-on favoriser l’émergence de cette prise de conscience de l’équilibre dynamique ?

Et bien tout simplement en l’expérimentant de façon concrète avec notre corps, qui est un virtuose en matière d’équilibre et de gestion des flux.
Au plus nous nous rendons présent à ces jeux d’équilibre dynamique et au plus nous allons permettre à notre mental de prendre conscience des forces en jeu qui s’opposent tout en étant complémentaires. Rappelons-nous aussi qu’au plus nous nous rapprochons de notre centre, au plus nous favorisons l’homéostasie, cette reconstruction autonome de notre corps.

Voilà, je souhaite que cette petite présentation de l’équilibre vous permettra de voir le monde sous une forme peut-être plus dynamique. Je ne vous vends ni le paradis, ni l’enfer, parce qu’il n’y a pour moi aucun remèdes miracles qui nous permettrait d’échapper au déséquilibre et à notre condition d’«être» un humain sur cette planète qui est régie par la gravité.