Préparation pour Malevitch

Malevitch, peintre et écrivain soviétique, naît à Kiev le 11 février 1878. Après une formation de dessinateur technique, il se lance peu à peu dans l'art, et devient l'un des premiers peintres abstraits du XXe siècle. 


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*Préparation pour l'atelier "Malevitch et le divin". Cubes en bois peint assemblés de façon provisoire sous forme d'architectones.

Il y a dans la peinture Malevitch l’ambition de faire vivre au regardeur une expérience divine ou mystique. C’est la raison pour laquelle les icônes et les représentations religieuses Russes font partie des œuvres qui ont énormément influencées Malevitch.

La Renaissance avait habitué nos yeux à attendre de la peinture une reproduction aussi fidèle que possible de la nature. Ce type de peinture obéissant à la perspective linéaire, veut que les lignes du tableau convergent vers un unique appelé « point-de-fuit » situé dans le "fond" du tableau.
Une origine en provenance des profondeurs du tableau, bien au-delà de celui qui regarde, un point inaccessible plaçant le créateur très loin du regardeur.

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* Eléments pour "Préparartion pour Mlevitch".
12 tables assemblées en cercle

Dans l'icône on assiste à un renversement de cette évidence. Le point-de-fuite ne s'y trouve plus dans l'espace de l'image, mais devant elle, là où se trouve celui qui la contemple. L'icône ne s'intéresse pas à la perspective naturelle mais à la perspective au-delà du naturelle, par laquelle toute chose se voit assignée une destinée, un point-de-fuite qui ne se trouve pas "dans la nature du tableau ou dans son espace" mais "au-delà de lui", à l’extérieur du tableau, directement dans les yeux de celui qui regarde, qui est considéré comme étant lui-même la lumière, le divin, le créateur. 
Dans l’icône Russe regardeur est donc considéré comme étant lui-même la source ou la représentation du divin.
Comme l'icône, la peinture de Malévich n'est pas conçue seulement pour être regardée et contemplée, c'est une présence qui prend sa place dans le champ de notre expérience.
Elle ne s'offre pas seulement à nos yeux, elle se mesure à nous et demande qu'on la mesure corps à corps. Ce nouveau statut de l'image (qui n’était pas finalement si nouveau avec les icônes) marque profondément l'art contemporain.
Cf.Icone_russe_peinture

Pourquoi Malevitch et les peintres abstraits rejettent-ils toute forme naturelle ?
Pour les artistes de la modernité comme Kandinsky, Mondrian, Hartung, Soulage ou Miro le rejet de la forme naturelle et de la perspective est une quête d’absolu, une démarche métaphysique et philosophique.
Leur quête est une recherche de vérité.
Pour eux l’image est trompeuse, narrative et en appel au mental, à l’intellect.
Les plus engagé comme Malevitch vont proposer des œuvres ultimes, à la limite entre matière et absence de matière, comme les fameux « Carrés sur fonds » noir ou blanc ...
Les carrés sur fond, ne sont que des carrés posés sur fond blanc et rien d’autre. Et en même temps ce rien ouvre sur une dimension abyssale et divine car elle nous place à la fois devant la réalité de la matière et en même temps devant sa disparition. Comme une porte entre-ouverte sur le mystère de la source divine.

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"Comme ça tombre",
Préparation pour Malevitch, assemblage de papiers découpés
Anti-collages mars 2021

Carré blanc sur fond blanc, (1918) MOMA , New-York
Ce « carré blanc sur fond blanc », son œuvre la plus connue, n'est nullement une expérimentation artistique de type simpliste, c'est au contraire l'aboutissement de tout un très long raisonnement dont le fondement est la séparation du corps et de l'esprit. Il s’agit ici de mettre en évidence les processus de l’activation de la pensée.
Malevitch considère que c'est désormais l'esprit pur qui doit s'affirmer, par conséquence, il n'y a plus de raison de représenter un objet existant en-dehors de l'esprit. 
L'art devient esprit pur, coupant tout rapport avec ce qui est matériel. C'est le principe d'un art non-figuratif, dont sont chassées toutes les figures. 
Il ne s'agit nullement d'abstraction, mais d'art non-figuratif, rejetant le principe même de matière. Il ne s’agit pas seulement de nier la possibilité́ de la représentation, mais bien d'une prétention à former un art qui serait pur esprit. L'objet disparait, il s'évapore. Il ne s'agit donc pas, comme dans l'impressionnisme ou le surréalisme, de représenter la réalité́ telle qu'elle est perçue par l'esprit, mais l'esprit lui-même, dans sa pureté́ individuelle. Il y a dans le travail de Malevitch un engagement très puissant, de l’ordre de l’utopie, qui vise non moins à la transformation de l’humain.
Mais malgré son titre et ses prétentions, ce n’est pas une pure chose mentale : la peinture, le faire, y sont très présents : différence entre les deux blancs (un chaud, un froid), position dynamique, inégalité des distances aux quatre bords du tableau, trait de crayon apparent, pâte grasse, matière énergique, coups de brosse donnés dans deux sens différents. Tout permet donc de pencher ici vers l’idée d’une peinture purement matérialiste.

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* Eléments pour "Préparartion pour Mlevitch",
Architectones aux papiers rouge

Cette voie signe pour Malevitch l’arrêt de la peinture, qui ne sera que provisoire.
Malevitch va « abandonner les poils ébouriffés du pinceau pour l’acuité de la plume » et se consacrer à la réflexion philosophique.
Une des problématiques majeures que les artistes rencontrent souvent est celles qui consiste à ne pas tomber dans l’écueil de l’orthodoxie (un concept érigé en norme de la vérité) qui dans bien des cas est un écueil à éviter car il mène à la disparition ou de la dissolution totale de l’œuvre sous prétexte de vouloir exprimer l’inexprimable ou d’être croyance de détenir la vérité. Alors que le grand défi consiste à rester sur le fil du mystère, à la lisière, aux frontières entre matière et absence de matière, entre le monde dual, fait d’opposés et la globalité fait d’unité.

MALEVITCH SUITE LES ARCHITECTONES
Ou comment Malevitch est passé du tableau à la sculpture.
Les architectones sont des formes architecturales en plâtre conçues dans les années 1920. Elles permettent à Malevitch de passer du plan à la troisième dimension, et de célébrer le mouvement du cube dans l’espace en transposant ses conceptions suprématistes vers l’architecture et l’urbanisme.
Malevitch, de manière logique, tentera de réaliser la nature même de ce projet par des constructions architecturales fantasmagoriques, censées représenter une sorte d’utopie pure, entièrement formées « mentalement ».
Ces « architectones » occupent un volume, leur disposition répond au rapport poids/vitesse/mouvement, et leur objectif est de former un espace pur.

MUDRA ASSOCIÉ À LA NOTION DE DIVIN

KALI MUDRA (geste de la déesse Kali)
MATANGI MUDRA (geste de la déesse Matangi)
ANANTA PRAJNA MUDRA (geste de l’espace infini)
MULADARA CHARA MUDRA (geste de la base)


INTRODUCTION AU DIVIN
« Divin » veut dire au sens littéral : « qui appartient aux dieux »
Mais de quelle façon dans un contexte laïque pouvons-nous aujourd’hui nous relier à ce qui appartient aux dieux, donc au-delà des grands courant religieux ? 

Que l’on qualifie cette « entité » d’énergie, de fréquence, de source, de globalité ou d’énergie cosmique, peu importe le nom, cette « chose » semble ne pouvoir être perçu par nos sens ou comprise intellectuellement tant celle-ci est complexe et certainement trop vaste.

. Nous avons compris depuis longtemps que dans l’expérience du « divin » ou de la globalité, ou encore de l’unité toutes les expériences sont vécues simultanément, donc il n’y a plus d’expérience possible. Présent/passé/futur...
Ou encore un autre exemple :
. Dans l’unité je peux comprendre et percevoir au même moment le chaud, le tiède et le froid, donc en vivant ces trois niveaux en même temps je n’ai plus aucun ressenti, l’expérience s’annule, il n’y plus d’expérience.

Par contre dans le monde séparé, là où l’espace-temps existe, là où notre corps existe, j’ai d’abord froid, puis chaud, puis tiède et ainsi j’en fait l’expérience puisque ces ressentis seront séparés les unes des autres temporellement.

Néanmoins, en matière de perception de l’unité on parle depuis très longtemps d’expérience mystique, d’expérience divine.
Définition d’une expérience mystique : c’est une expérience unitive qui est apparemment celle d'une réalité ou d'un état de choses qui n'appartient pas aux expériences sensorielles terrestre. L’expérience « unitive » étant tout simplement impossible à vivre en tant qu’être humain incarné sur cette terre.

Dans le domaine de la peinture on en a de nombreux exemples.
Cf. Extase de Ste Thérèse Bernin1652
Cf. Marie Madeleine en extase Le greco1584 / Le Greco1600/ Caravage1606

Extase, qui veut dire littéralement : « être en dehors de soi-même », désigne un état où l'individu se ressent comme « transporté hors de lui-même » et caractérisé par un ravissement, une vision, une jouissance ou une joie extrême. L'extase peut être d'origine mystique ou survenir en d'autres circonstances, sans raison particulière.

La personne alors vit une ouverture de tout son être et une union avec l'infiniment plus grand que lui. C'est ce que Romain Rolland (écrivain FR 1890/1944) appelle dans une formule restée célèbre, le « sentiment océanique ».

Cet « état de grâce » que l’on reçoit parfois sans l’avoir réellement demandé ou désirez est un rappel puissant de notre union originel à la globalité ou à cette source originel, retour en quelque sorte à notre origine primordiale. Sensation d’union absolu, d’amour infini, sentiment d’éternité, les descriptions à l’égard de ses perceptions ne manquent pas. S’agit-il d’un rappel puissant, comme une piqure divine nous invitant à entrevoir pendant quelques secondes ce qu’est notre véritable nature, notre nature profonde ? Nous ne le serons probablement jamais. C’est en tout cas la manifestation dans notre conscience de quelque chose de plus grand que nous qui nous transporte au-delà de nous-même. 
Le retour sur terre est d’ailleurs souvent difficile, et beaucoup de personne ayant vécu cet état vivent ensuite dans la nostalgie de cette expérience d’unité, de cet état intense perdu à jamais.