La fréquentation quotidienne de la beauté dans le domaine de l’alimentation est une nécessaire expérience qui implique de la rigueur ! N’allez pas croire que c’est une chose pour moi naturelle … Avant d’être convaincu de la justesse de la beauté, avant d’être touché par sa grâce, je résiste comme beaucoup à ses assauts, car j’ai souvent du mal à admettre sa nécessaire présence. Je la relègue au second plan décrétant qu’elle fait partie du royaume du superflu, et par fainéantise aussi je zappe ce qui pose un cadre à ma nourriture quotidienne.

La beauté à table comme partout ailleurs autour de soi se cultive comme les légumes, il est nécessaire d’en prendre soin et d’y être attentif. S’il y a relâche, celle-ci flétrit comme une vulgaire salade que l’on n’arroserait pas suffisamment. Elle est exigeante et nécessite des efforts au quotidien pour la maintenir dans son monde. À table si elle n’est pas présente, autant ne rien manger du tout … car mal manger commence par manger de la laideur !

Je finis par admettre que la beauté, celle que je vois, est le reflet de ce que je suis. Je deviens ce que je mange. Le monde est le miroir de ma conscience. En fonction des filtres que j’utilise pour voir ce monde et des gestes que je mets en place pour le transformer il prend des formes plus ou moins heureuses.

J’admets aussi bien sûr l’existence de l’autre face de la pièce, le côté pile, c’est-à-dire l’autre partition qui se joue en même temps, en simultané, le côté noir, obscène, puant et triste.

En matière de nutrition chaque geste compte ! Depuis maintenant une bonne quinzaine d’années je ne peux plus voir une casserole sur une table et la vue d’un yaourt affichant outrageusement sa publicité mensongère sur ma table tout en faisant de la promotion pour une multinationale me passe immédiatement l’envie de manger ! 


Je me rends compte que l’esthétique passe avant la qualité du produit. Je suis capable de manger sans amertume un produit issu de l’industrie agro-industrielle si celui-ci est parfaitement présenté, sans référence publicitaire et reconditionné. 

Sur ma table, au quotidien, les produits sont bruts de décoffrage, pas de marque, pas packaging, de toute façon j’ai banni depuis longtemps tous les produits issus de la grande distribution. La polenta doit être sculptée et les confitures sorties de leur pot et déposées délicatement dans de petits bols avant d’être consommées. 
Vous l’aurez compris se nourrir de beauté commence par l’exercice de la présentation de la matière.

Alors, à vous de jouer …
Transformez, mélangez, sculptez, associez, rendez hommage à la vie, amusez-vous avec les couleurs et les matières, nous sommes ici sur terre pour expérimenter tout cela. Profitons-en, il n’y a aucun méchant professeur au-dessus de nous pour nous dire que ce que nous faisons est mal ! Osons créer sans retenue, amusons-nous et si ça n’est toujours réussi nous pouvons en rire …